Revolvers fabriqués en Europe

REVOLVERS D'ORIGINE BELGE UTILISES PAR LES CONFEDERES

Sans qu'il soit possible d'en déterminer le nombre exact, ou même approchant, il est établi que les Confédérés se sont procuré un grand nombre d'armes européennes, et parmi celles-ci bien entendu des armes liégeoises. Le sujet principal de cette série d'articles étant les armes de poing utilisées par l'armée sudiste et en particulier les revolvers, je laisserai de côté les mousquetons, carabines et fusils divers fabriqués à Liège sur base des réglementaires français et anglais.

Depuis sa base de Londres, Caleb Huse faisait de son mieux pour se procurer, par le truchement de la London Armoury Company, le plus possible de revolvers à percussion ou à broche, de préférence en calibre .44, .36 ou en calibres européens approchants comme le 12 et 9 mm. On peut donc être certain que la LAC a approché certains armuriers liégeois pour se procurer ces armes, et a acheté sur le marché libre tous les lots qu'elle pouvait trouver.

Leur petit nombre et le manque total d'archives bien précises du côté confédéré, ne permettent même pas d'estimer le nombre de revolvers liégeois ayant été utilisés par les Sudistes. Les photos d'époque montrant des soldats confédérés armés de Lefaucheux 1854 ne permettent pas d'affirmer que ces revolvers soient des Lefaucheux originaux ou des copies belges ou espagnoles.

Ce qu'on sait avec certitude, par contre, c'est que les agents des deux camps chargés d'acheter des armes en Europe, se sont souvent trouvés obligés de se disputer les mêmes lots d'armes, et que dans ce cas le plus offrant emportait évidemment le marché. Au début de la guerre, la Confédération pouvait se permettre d'investir de grosses sommes, ce qui permettait à Caleb Huse d'emporter pas mal de marchés alors que les agents de l'Union se heurtaient encore à des difficultés administratives de leur côté, et recherchaient également l'uniformité; mais à partir de 1863, les revers subis par l'armée confédérée et le resserrement du blocus maritime ont rendu les choses de plus en plus difficiles pour la Confédération, qui non seulement vint à manquer d'argent mais voyait de plus ses voies de ravitaillement coupées.

Il est également certain que dans les semaines ou les mois précédant Fort Sumter, les états confédérés ont acheté sur place le plus possible de revolvers, tant à percussion qu’à broche. Ne pouvant s'approvisionner chez la plupart des gros fabricants américains, le plus souvent établis dans les états du nord  et opposés à la cause sudiste, ils pouvaient cependant trouver sur le marché civil local bon nombre de Colts, Remington, Starr, Savage et autres. 

Pour essayer d'avoir une idée du nombre de revolvers liégeois utilisés par les soldats confédérés (et faisant partie des lots achetés par la Confédération), on peut faire une comparaison des chiffres connus d'achats d'armes de poing européennes

Armée de l'Union:

9.146 Lefaucheux 1854 achetés en direct à Eugène Lefaucheux

1.500 Lefaucheux 1854 de la même série fournis par Alexis Godillot

944 Lefaucheux 1854 de la même série fournis par Georges Raphaël

333 Lefaucheux de la même série fournis par 6 intermédiaires américains

(Tous fabriqués par E. Lefaucheux, n° de série entre 25067 et 36900)

1.075 Beaumont-Adams  (nombre non confirmé)

106 revolvers Raphaël à percussion centrale livrés par G. Raphaël

550 revolvers Perrin à percussion centrale, livrés par Godillot

25 revolvers Lefaucheux 1854 achetés en direct par Henri Stanford, ambassadeur américain en Belgique, à un armurier liégeois non identifié (probablement Francotte ou Janssen).

Un revolver Perrin

Nous avons donc ici 131 revolvers d'origine liégeoise: les 25 achetés par Stanford et les 106 Raphaël. Raphaël n'a ni inventé ni fabriqué le revolver qui porte son nom et qui est un brevet liégeois Mangeot-Comblain de 1854. Mais ici encore, on se perd en conjectures quant au nom du ou des fabricants liégeois...

Godillot n'a livré que 1.500 Lefaucheux sur un total commandé de 2.000. Les 500 autres ont été perdus en cours de route, selon certains dans un naufrage. Mais le fait que l'armée de l'Union ait perdu confiance en Godillot après cette perte, et ait refusé une offre subséquente pour 600 revolvers, pourrait donner à penser que le lot de 500 revolvers perdus n'a pas été perdu pour tout le monde. Il est fort possible que ce lot ait été capturé par les Confédérés.

Armée confédérée:

2.000 à 5.000 revolvers Lefaucheux 1854 français (estimé)

5000 ou plus revolvers du même type ou du second type, en calibres 12 et 9 mm, d'origine liégeoise, espagnole ou anglaise

9.000 revolvers à percussion anglais Kerr à simple ou double action (n° de série entre 3000 et 10000, plus les productions d'avant guerre)

Toutes ces armes fournies par la London Armoury à Caleb Huse

8.000 revolvers LeMat, dont 3.000 pour la Marine (au total, environ 3.000 ont été livrés. Fournis par LeMat & Girard)

- Un nombre inconnu de revolvers européens à percussion de tout acabit, comprenant également des copies liégeoises du Colt 1851 Navy fabriquées par N. Gillon et d'autres armuriers liégeois.

Selon certains auteurs, les 20 tout premiers revolvers LeMat auraient été produits aux USA par John Krider, alors que les 450 premiers numéros de série du premier modèle auraient été produits à Liège. C'est possible mais fort douteux, étant donné qu'à ce jour on ne connaît qu'un seul exemplaire de LeMat à percussion contemporain de la guerre de Sécession fabriqué à Liège. C'est un Second Modèle, au n° de série élevé, et il est dans un état proche du neuf. Le fabricant n'a pas été identifié à ce jour, et aucune indication n'a été retrouvée dans les archives de LeMat et Girard quant à un éventuel contrat liégeois. Ce revolver est cependant de haute qualité et strictement identique à ceux produits par LeMat et Girard.

On ne trouve à Liège pas trace d'une activité excessive entre 1858-59 et 1865, pouvant indiquer un quelconque effort de guerre, ni d'exportations en masse vers les Etats-unis.

En conclusion, on peut dire que les quelques milliers de revolvers divers fabriqués à Liège qui se sont retrouvés aux mains des Confédérés, n'ont été que des parties de lots divers raflés sur le marché européen par les agents de la London Armoury Company. Il n'y a eu aucune commande effective de la part de la Confédération chez les armuriers liégeois, et aucun de ces derniers ne semble s'être intéressé au marché potentiel que pouvait représenter ce conflit lointain.

 

 Marcel

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